Les deux pères.

Publié le par Spacky

J’avais deux grand pères. Le grand père maternel, c’était Papy, le dentiste fils de crémier, cultivé, engagé, original, amateur de voyages et de photographie. Je l’ai perdu, il y a déjà un certain nombre d’années, trop tôt pour garder de lui de véritables souvenirs. Le Papy que je connais, je le dois aux récits familiaux et aux documents qui lui ont survécu.

Le grand père paternel, c’était Pépé. Pépé est parti au début de ce mois d’août. Comme Papy, sa souffrance a été longue avant de trouver le repos, mais à cette différence près que sa souffrance à lui, j’ai eu l’occasion de la connaître, et surtout de la fuir. Pépé était l’homme aux racines floues qui avait fondé sa famille dans le métier de restaurateur. Pépé était à peu près un inverse de Papy, il était de classe populaire et traditionnelle, religieux pratiquant et discipliné, à l’humour simple, massif, souvent gras, à l’image de sa cuisine généreuse, parfois vaniteuse mais jamais hautaine. À son fils, mon père, Pépé a légué, peut-être sans vraiment savoir comment, son métier de restaurateur. Après avoir voyagé puis travaillé pour un groupe touristique, mon père repris le restaurant de son père, contre son avis paraît-il, créant ainsi une histoire familiale.

Les familles sont souvent des lieux de déchirements, et la mienne porte son lot de frustrations, d’affrontements, de déceptions et de galères. L’enterrement de mon Pépé fut un moment d’exacerbation de ces tensions, tant les bouleversements furent importants pour tous, en dépit de l’attente dans laquelle se trouvait la famille, d’un décès programmé par la déchéance d’un corps trop âgé, trop malade et trop souffrant.

 

 

 

 

Moi-même, pourtant héritier de cet esprit d’abondance et de prodigalité qui m’orienta aussi, après bien des vicissitudes, vers le métier de nourrir et d’accueillir, j’ai préféré m’extraire à l’improviste d’un climat aussi destructeur. Devoirs rendus à la mémoire de l’homme, je ne suis pas resté essuyer les plâtres. De plus en plus, la communication envers ma famille me semblait difficile, voire théorique.

 

 Le Commandeur

 

 

Cependant, à l’occasion d’une fête prévue de longue date qui nous réunit un samedi deux semaines plus tard, un sentiment différent semble se dessiner. Comme si après avoir souffert, les âmes semblent fêter une libération dans un enthousiasme de communion et d’identité. Ce fils qui est un père et qui a tant de mal parfois à exprimer ses sentiments revêtait plus encore que d’habitude la parure du regretté, sous son jour le plus familier, le plus aimé, le plus réussi. Autour de l’enfant à la stature de Commandeur, cette famille qui méconnaît l ‘exercice difficile et parfois snob de la logorrhée thérapeutique semblait trouver dans une espèce d’évidence inconsciente, impensée, une harmonie originelle, naturelle. Un équilibre qui n’échappe pas aux arrangements simplistes avec la réalité et l’esprit, mais qui satisfait pleinement aux besoins du moment.

Certes, beaucoup de chemin reste à accomplir vers une véritable réconciliation des uns avec les autres, et surtout des uns avec eux-mêmes. Cette journée restera cependant une éclaircie rassérénante, une trêve emplie d’espoirs et de promesses. Il est simplement dommage qu’il me faille goûter cette trop brève fête avec une distance nécessaire, avec la conscience que sous la faveur du destin manque encore le travail de fond, ce casse-tête que je ne sais par où, ; ni quand, ni comment commencer. Sous les dehors souriants, les illustrations définitives d’une trop grande distance demeurent prégnantes. Tout ce que je souhaite, c’est de n’avoir pas à me réconcilier avec une mémoire seule.

 

 La Garde montante

 

 

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J
ton texte est très émouvant....C'est "drôle" que ce soit dans des moments durs pour une famille que parfois des langues se délient, parfois des épreuves libèrent aussi des choses, apaisent les tensions...
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J
ceci est un non-commentaire<br /> c'est con, c'est juste pour te dire que je suis à la bourre pour mon rapport de stage (mise en pagfe là, c'est d'un relou..) et que làj'ai pas le temps de lire tes nouveaux posts, mais que promis t'auras des commentaires ces prochains rjours<br /> biz le spacky!
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