Privilèges et chuchotements

Publié le par Spacky

Une amie, Caro, me demande si les droits de noblesse ont bien été abolis.

 

 

 

 

 

Il s’agit d’une vieille histoire, effectivement bien française. Revenons à notre mythe fondateur. La Révolution Française n’est, est-il besoin de le rappeler, une révolution paléo communiste. À l’époque, les bourgeois, à la pointe du développement de la nation, lorgnaient déjà depuis belle lurette sur les pouvoirs détenus par l’aristocratie. Les aristocrates n’étaient pour les bourgeois qu’une classe décadente, indolente, improductive et dépassée. Néanmoins, les bourgeois enviaient, qui par avidité, qui par volonté de faire mieux, les pouvoirs détenus par l’aristocratie. Lorsque la situation du Royaume devint non plus critique, elle l’était depuis déjà bien longtemps, mais explosive, les bourgeois purent faire sauter le régime et s’approprier les pouvoirs. Afin de s’accorder le soutien du peuple, et aussi un petit peu par idéologie, cette Révolution adopta une façade, et quelques principes, de démocratie et d’humanisme, mais aussi de nationalisme. Aussi a-t-on pris soin de jeter aux orties bien ostensiblement les rites de l’aristocratie, on a même entretenu un génocide particulièrement sanglant à l’égard du « sang impur ».

 

 

 

 

 

Mais passé le tumulte et la crise, passée aussi la Restauration qui révéla beaucoup aux politiciens, la bourgeoisie a pu se décomplexer et partir à l’assaut des symboles de l’aristocratie. Le bourgeois est comme tout le monde, il a besoin de sécurité. Les symboles d’aristocratie font de sa réussite non plus une contingence mais une propriété. L’héritage est la clef du système aristocrate, c’est aussi le droit le plus farouchement défendu dans la société bourgeoise, et le fin du fin est de donner à ses enfants une éducation privilégiée. Le bourgeois ne désire pas partager, il est accroché, comme l’aristocrate de l’Ancien Régime, à l’idée qu’il mérite sa fortune. L’aristocrate en raison de son sang, le bourgeois invoquera son « travail », jusqu’à ce qu’il ait des héritiers qui, quoique n’ayant jamais travaillé, bénéficieront des mêmes droits.

 

 

 

 

 

Mais ce croisement entre bourgeoisie et aristocratie n’explique pas la survie des privilèges. Les esclaves que nous sommes avons besoin nous-mêmes de ces privilèges. À quoi reconnaît-on un chef dans nos sociétés ? À ses privilèges. Le supérieur hiérarchique est avant tout celui qui a le droit de contourner la règle. Celui qui arrive en retard en réunion, ou qui ne paie pas à la cantine, c’est lui qu’il faut écouter.

 

 

 

 

 

Inversement, le « privilégié » a besoin de montrer ses privilèges afin de se rassurer sur son niveau de réussite. Le jour où le chef ne pourra plus s’essuyer les pieds sur le visage de ses subalternes, on ne sera plus très loin du grand soir soviétique. Les soviétiques parlons-en, ils ont très vite développé un système de privilèges très puissants dans la « nation ouvrière ».

 

 

 

 

 

Autant la vanité est le premier défaut de l’humanité, autant il n’existe pas de société réellement capable d’abolir les privilèges.

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