La démocratie est à la politique ce que le romantisme est à l'amour.
Les plus romantiques ne sont pas toujours les meilleurs coups, mais celui qui use de force ou de pilule magique n'est jamais qu'un porc et un criminel. Parfois même, ces violeurs sont des mecs qui se croyaient romantiques et qui ne pensent qu'avec leur frustration. L'homme politique qui pour se conserver nos faveurs nous fait des serments d'amour tout en se montrant plus fort que son rival, n'a pourtant qu'une idée en tête. Nous, papillonnant du costaud au poète, de l'étranger au traditionnel, du génie au notaire, nous laissons bercer par ces tendres illusions. Souvent celui qui, pour nous conquérir, dénonce la tromperie de l'amant du moment, nous trompe déjà davantage. Souvent aussi, le prince qui nous enleva de notre tour d'ivoire pour courir vers l'aventure et la liberté se mue, dès la noce consommée, en un ignoble diable alcoolique et violent. Prisonnières de la crainte et de la culpabilité, nos âmes se soumettent à l'imposteur, pourvu qu'il ne fasse pas de mal à nos enfants, pourvu qu'ils soient nourris et en bonne santé.
Souvent celui qui, pour nous conquérir, dénonce la tromperie de l'amant du moment, nous trompe déjà davantage.
Notre culpabilité ne vient pas, comme nous nous le figurons au plus profond de notre souffrance, du choix malheureux de notre époux, de notre désir coupable d'alors ou du péché d'orgueil. Notre faute est d'avoir attendu l'amant, de l'avoir laissé vendre sa camelote, feignant d'ignorer les crimes qu'il commet pour se l'approprier. Notre erreur est de le prier, de le supplier d'user de sa force à bon escient alors que cette force provient justement de notre seule soumission.
Nous sommes libres, il suffit de le dire et de s'unir dans cette liberté pour la rendre tangible. Affronter le froid du dehors, soustraire sa chair et ses enfants à la tyrannie en se jetant, voix fragiles et modestes, seules dans l'inconnu, et par la puissance de la solidarité se créer une famille, une vraie famille, ou l'amour se défie des serments, des tours de force, de l'autorité des choses et de tous ses travestissements.
Nos âmes citoyennes ne sont pas les criminelles que nos tyrans aiment à ce que nous nous en accusions. Mais nous devenons les victimes complices par désespoir, et parfois par vanité, de cette violence ordinaire. En ne dénonçant pas la barbarie qui nous oppresse, en acceptant les coups et les punitions dans l'espoir de conserver son pain et son feu, voir en espérant avoir une vie meilleure que ces âmes révoltées qui errent sans toit et sans protection, nous nourrissons le diable qui nous déchire le ventre et la cervelle.
Il faut bien du courage, un courage surhumain, pour briser ces chaînes que nous tissons nous mêmes. Pourtant c'est lui notre seul sauveur, celui qui ne nous fera jamais payer son aide : notre propre courage.
Assumons notre destinée de Liberté et d'action, et reprenons cette voix que nous avons négligemment offerte en dot !